Le bloc-notes d'Ivan Rioufol : Comment perdre la guerre Ivan Rioufol (irioufol@lefigaro.fr).
Publié le 15 septembre 2006
Cette constatation : pour avoir choisi de résister au djihad lancé contre les États-Unis par al- Qaida, le 11 septembre 2001, George W. Bush est devenu l’homme le plus décrié de la planète. L’Europe angélique s’est désolidarisée de sa guerre contre «les fascistes islamistes». Elle redoute d’offenser l’islam radical, compris comme l’expression exaltée d’une culture humiliée par l’Occident. Devant Hitler aussi, les pacifistes recherchaient l’apaisement.
Le monde libre veut-il défendre ses valeurs ? Cinq ans après les attentats contre NewYork et Washington, la question se pose. Tandis qu’une idéologie totalitaire menace les démocrates, y compris musulmans, en se glorifiant : « Nous aimons la mort plus que vous n’aimez la vie », nos sentinelles ne voient d’autre danger pour le monde que le président américain. À les entendre, c’est avec le diable que Nicolas Sarkozy s’est entretenu, mardi, à la Maison- Blanche.
Critiquer Bush pour ses erreurs en Irak est légitime. Ses compatriotes ne s’en privent pas. Mais c’est son choix de briser une barbarie qui est surtout dénoncé. Bush et son allié Tony Blair sont désignés malfaisants, parce qu’ils ont répondu par la force au terrorisme et qu’ils ont réussi, cruellement pour les Irakiens il est vrai, à faire sortir l’ennemi de ses caches. Ils payent pour leur audace, autant que pour leurs maladresses.
Oui, il y a de la lâcheté dans le procès instruit par ces Européens, qui ont peur qu’une défensive n’attise un choc des civilisations. Mais où est la civilisation, dans la vision sectaire d’un monde arasé et soumis ? La « religion de paix et de tolérance » ne peut se reconnaître dans ces bombes humaines qui tuent des civils ou dans ces égorgements. Les musulmans ne devraient avoir de cesse – certains commencent à se faire entendre – que de dénoncer la stérilité de cette folie mortifère.
Il serait temps d’ouvrir les yeux sur la réalité de la guerre, dont Dominique de Villepin continue de dire qu’elle n’a pas lieu d’être. « Contre le terrorisme, ce n’est pas une guerre qu’il faut engager », assure-t-il, tandis que Michel Rocard estime que le traitement de la menace « relève de techniques de police ». Mais alors, pourquoi ces soldats armés dans les lieux publics, ces chars Leclerc débarqués mardi à Beyrouth, ces discours inquiets de Jacques Chirac? La guerre est sous notre nez. Où sont les combattants pour la gagner?
Terroriser en paix
L’« erreur historique » est moins d’avoir porté le conflit en Irak, comme le soutient avec bien d’autres François Bayrou cette semaine, que de refuser d’admettre la réalité de la guerre sainte. Cette occultation oblige à sous-évaluer le danger et à le circonscrire à la seule région du Moyen-Orient. Mais ceux qui assassinent des musulmans en Irak ou des juifs en Israël sont les mêmes qui massacrent au Darfour ou en Inde, qui ont tué à Madrid le 11 mars 2004, à Londres le 7 juillet 2005, et dont les attentats ont été déjoués en Grande-Bretagne et en Allemagne. Faut-il qu’ils frappent la France pour que les yeux se dessillent ?
Le bilan irakien ne se résume pas au chaos actuel. Il se lira sans doute dans vingt ans, estime Bruno Tertrais (Le Monde, 9 septembre). En revanche, l’idéologie combattue par Bush est connue. Elle emprunte au communisme et au nazisme. Du communisme, l’islam révolutionnaire reprend la dialectique tiers-mondiste, anticapitaliste, antichrétienne, qui fait de l’Occident l’exploiteur, du musulman le damné de la terre, de l’immigré le prolétaire. De la doctrine hitlérienne, le nazislamisme a le culte de l’homme supérieur, la soumission au guide, la haine des démocraties, le projet génocidaire contre les juifs d’Israël, et même une histoire commune avec la division de la Waffen SS musulmane Hanjar. Laisser cette monstruosité terroriser en paix ?
Israël : la faille
La répétition générale se joue en Israël. Voici comment le premier ministre, Ehoud Olmert, évoquait ce conflit pour justifier la riposte contre le Hezbollah au Liban (Le Monde, 3 août) : « Des mouvements terroristes, fondamentalistes (...) cherchent à détruire les bases de la civilisation occidentale. Le monde civilisé est attaqué par des organisations terroristes qui sont manipulées par certains pays. Israël est en train de créer un précédent, de fournir un exemple pour beaucoup d’autres sociétés. Israël a décidé de dire : « Assez, c’est assez ! »
Or, l’exemple n’est pas concluant. L’état hébreu a échoué dans son objectif de désarmer le mouvement islamiste infiltré au Liban. Même si le Hezbollah a été physiquement touché, le conflit a révélé, derrière la puissance de Tsahal, la faille des dirigeants israéliens, qui est celle de nombreuses élites occidentales : l’endormissement et la naïveté. C’est parce qu’Israël avait baissé la garde qu’il s’est fait surprendre et a montré sa faiblesse aux yeux du monde.
Il est incompréhensible que les renseignements aient eu l’air surpris par la puissance de feu du Hezbollah, alimenté par l’Iran et la Syrie en missiles antitanks, mines télécommandées à visées laser, roquettes sol-sol, missiles. Quant au gouvernement, qui avait réduit le budget Défense, il a donné le sentiment de s’être mal préparé à un ennemi qui lui dénie pourtant le droit d’exister, tandis que l’étatmajor militaire a semblé moins pugnace que les soldats. Israël en tirera-t-il les leçons ?
Fermeté de Benoît XVI
À ceux qui persisteraient à ne pas voir de guerre à l’horizon, Benoît XVI a mis cette semaine les points sur les « i », avec une franchise qui annonce une fermeté nouvelle de l’Église catholique face à l’islamisme. Mardi, en Bavière, le Pape a dénoncé la « guerre sainte » comme une des « maladies mortelles » de la religion. Le parler vrai a gagné Le Vatican.