Taduction française : Menahem Macina
Il y a trois ans, en tant que vice-Premier ministre du Premier Ministre Ariel Sharon, j’ai prononcé, ici même, un discours, dans lequel je citais des extraits d’une allocution de David Ben Gourion, à la Knesset, en 1949, lors d’un débat sur les Accords d’Armistice, où il disait :
« Lorsque nous avons été confrontés à un choix entre l’intégralité de la Terre d’Israël et un Etat juif sans l’intégralité de la Terre d’Israël, nous avons choisi un Etat juif sans l’intégralité de la terre d’Israël. »
Ce choix historique fait par Ben Gourion, au terme de la Guerre d’Indépendance, était douloureux mais courageux, déchirant mais lucide.
Des parties chères et aimées de notre patrie – berceau de notre histoire – restaient à l’extérieur de nos frontières, mais une majorité juive solide était assurée dans l’Etat d’Israël.
Le temps a passé, l’animosité arabe et le terrorisme ont eu pour résultat davantage de guerre et, il y a environ 40 ans, Israël a dû faire face, à nouveau, au choix difficile : beaucoup de gens estimables soutenaient la vision d’un Israël intégral [*] David Ben Gourion, qui n’exerçait déjà plus de fonctions gouvernementales, estima qu’en échange d’une paix véritable, Israël devait abandonner une grande part des territoires occupés durant la Guerre des Six Jours. Bien des choses se sont passées depuis lors, il y a eu des faits accomplis sur le terrain, des accords ont été signés, la scène internationale et régionale a changé au point d’être méconnaissable.
Le conflit sanglant avec les Palestiniens n’est pas terminé. Le diagnostic fondamental de Ben Gourion reste valable et continue à guider – avec les modifications nécessaires – la position des gouvernements israéliens dans notre ligne de conduite en vue de la paix aujourd’hui.
Déjà, à l’époque de la naissance d’Israël, Ben Gourion avait tendu la main en signe de paix aux nations arabes. Cette main tendue fut repoussée, mais elle demeure tendue. Je tends la main, en signe de paix, à nos voisins palestiniens, en espérant qu’elle ne sera pas repoussée.
Je fais miennes, de grand cœur, les déclarations de Ben Gourion à propos du devoir de tout gouvernement israélien de travailler à la paix :
« Je considérerais comme une grande faute, non seulement envers notre génération, mais également envers les générations futures, de ne pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour parvenir à une entente mutuelle avec nos voisins arabes, et de donner aux générations futures une raison de nous reprocher d’avoir manqué une opportunité de faire la paix… ».
Ce n’est pas une époque facile pour l’Etat et le peuple d’Israël. Ces jours-ci, plus que jamais, il est naturel pour nous de venir en ce lieu, où est enterré le Père de la nation revenue à la vie, pour nous inspirer de lui.
Si je pouvais demander conseil à Ben Gourion aujourd’hui, je crois qu’il me conseillerait de faire les déclarations que je me propose d’adresser à nos voisins palestiniens, aujourd’hui.
Vous, membres du peuple palestinien, du sud et de l’est du pays, de la bande de Gaza et de Judée-Samarie, vous êtes, en ces jours, au seuil d’un tournant historique.
La terreur, la violence, les meurtres et les attaques incessantes contre les citoyens d’Israël risquent de nous mener au bord d’une nouvelle et douloureuse vague de violence terrible. Le radicalisme intransigeant de vos organisations terroristes, Hamas, Jihad [Islamique], Brigades des Martyrs d’El-Aqsa et autres organisations, ne vous ont pas rapprochés du but à atteindre, et que, j’en suis convaincu, beaucoup d’entre vous partagent : la création d’un Etat palestinien, qui vous assurera un avenir prospère, avec de bonnes relations de voisinage, aux côtés de l’Etat d’Israël.
A la veille de décisions qui pourraient nous plonger dans un conflit de plus en plus grave, je viens aujourd’hui, à partir de ce lieu, près de la tombe de David Ben Gourion, vous proposer une voie différente, une voie qui offre une chance d’un avenir différent pour vous et pour nous.
Nous l’avons initiée avant-hier. Nous avons pris cette voie, et j’espère qu’elle nous mènera au but auquel nous aspirons : la paix, la tranquillité et la confiance mutuelle. Nous sommes prêts et décidés à suivre cette voie et à persévérer jusqu’à ce que nous parvenions à la solution recherchée.
Si un nouveau gouvernement palestinien est créé, un gouvernement déterminé à adhérer aux principes définis par le Quartet, à appliquer la Feuille de Route, et à libérer Guilad Shalit, j’inviterai Abou Mazen [Mahmoud Abbas] à me rencontrer sans délai, pour que s’ouvre entre nous un dialogue vrai, sincère et sérieux.
Dans le cadre de ce dialogue, les frontières de l’Etat d’Israël seront définies conformément à la lettre adressée au Premier ministre Ariel Sharon par le Président Bush, le 14 avril 2004.
Ces frontières seront différentes de celles que tracent les territoires actuellement contrôlés par Israël.
Je comprends l’importance que la société palestinienne attache à la question des prisonniers.
Je déclare formellement ici que, quand Guilad Shalit sera libéré et rendu à sa famille, sain et sauf, le Gouvernement d’Israël sera disposé à libérer de nombreux prisonniers palestiniens – y compris ceux qui ont été condamnés à de longues peines de prison -, et ce afin d’accroître la confiance entre nous et de prouver que nous vous tendons sincèrement la main en signe d’une paix réelle.
Je l’avais dit avant l’enlèvement de Guilad Shalit, et je n’ai pas changé de position. Je sais que beaucoup de familles palestiniennes aspirent au jour où leurs êtres chers reviendront chez eux. Ce jour pourrait être très proche.
Je crois que beaucoup d’entre vous sont las du prix effrayant que vous payez, suite à l’extrémisme violent des organisations terroristes qui font la loi dans vos rues.
Je crois que beaucoup d’entre vous aspirent à un nouveau chapitre qu’il est en notre pouvoir d’ouvrir, dans l’histoire sanglante de nos relations.
L’arrêt du terrorisme et de la violence nous permettra de vous proposer une série de mesures qui seront prises en coordination avec vous, afin de faciliter l’amélioration de la qualité de vie de la population palestinienne, qui a été gravement affectée du fait de la nécessité, où nous avons été, de prendre des mesures défensives contre vos actions terroristes.
Nous diminuerons de manière significative le nombre de barrages routiers ; nous augmenterons la liberté de circulation dans les territoires ; nous faciliterons le déplacement des personnes et des marchandises dans les deux directions ; nous améliorerons le processus de traversée de la frontière vers la bande de Gaza, et débloquerons les fonds palestiniens dans le but de soulager les privations dont souffrent beaucoup d’entre vous.
Nous pouvons vous aider à rédiger un plan de réhabilitation économique de la bande de Gaza et de zones situées en Judée-Samarie.
Nous pouvons vous aider à créer des zones industrielles, en coopération avec la communauté internationale, pour créer des postes de travail, [donner aux travailleurs palestiniens] les moyens de gagner décemment leur vie, et vous affranchir de votre dépendance croissante des infrastructures israéliennes en matière d’emploi.
Nous ferons appel à l’assistance des Etats arabes voisins qui cherchent une solution pacifique au conflit qui nous oppose - le Royaume de Jordanie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe -, dans le but de bénéficier de leur expérience et d’obtenir leur appui pour des négociations directes avec vous.
Les échos qui proviennent de ces Etats concernant la nécessité d’une reconnaissance de l’Etat d’Israël et d’une normalisation des relations avec lui – par exemple, certaines parties de l’initiative de paix saoudienne – sont positifs, et j’ai l’intention d’investir des efforts pour faire progresser la relation avec ces Etats et renforcer leur appui à des négociations bilatérales directes entre nous et les Palestiniens.
J’ai suivi avec grande appréciation les efforts sérieux faits par ces Etats pour amener à la cessation de la violence dans la région, et je rends hommage à leur désir sincère de créer un nouveau climat entre nous, de manière à faciliter la solution du conflit.
Les circonstances internationales qui se sont créées, spécifiquement en ce moment, nous permettent, à l’un et à l’autre, de prendre une initiative courageuse, qui implique la nécessité de consentir de douloureux compromis et de renoncer aux rêves qui ont fait partie de nos valeurs nationales durant tant d’années, et d’ouvrir un nouveau chapitre qui offre l’espoir d’une vie meilleure pour nous tous.
Nous, Etat d’Israël, consentons à l’évacuation de beaucoup de territoires, et des communautés qui y ont été créées. Cela nous est extrêmement difficile, un peu comme la traversée de la Mer Rouge, mais nous le supporterons, en échange d’une paix véritable.
Vous devez mettre fin au terrorisme, à la violence et aux tentatives de porter atteinte aux citoyens israéliens du sud, du centre et du nord du pays, reconnaître notre droit à vivre en paix et en sécurité à vos côtés, et renoncer à la réalisation du droit au retour. C’est un objectif juste, un objectif naturel, un objectif réalisable. Si vous faites preuve de la détermination et de la discipline requises, nous trouverez en nous un partenaire décidé. L’Etat d’Israël est un Etat puissant. Ne vous laissez pas leurrer par nos divergences internes, nos rivalités politiques, ni par l’humeur déprimée que nous affichons au dehors, parfois.
En cas d’attaque violente, nous l’emporterons, même si cela prend du temps et coûte beaucoup de victimes ; même si cela entraîne des compromis en matière de confort et de qualité de vie, l’Etat d’Israël a prouvé sa force dans le passé et il est prêt à faire de même aujourd’hui.
N’essayez pas de nous tester encore, cela causerait beaucoup de victimes et de destructions, et causerait de lourdes souffrances et un grand désespoir.
On ne peut changer le passé, et les victimes du conflit, des deux côtés de la frontière, ne peuvent être ramenées à la vie.
Les dictats sont inutiles et les accusations mutuelles ne sont que des jeux sans valeur sur des mots. Des masses de faits historiques ne peuvent être résolus et les cicatrices ne peuvent disparaître.
Tout ce que nous pouvons faire aujourd’hui est d’empêcher que se produisent d’autres tragédies et léguer aux jeunes générations un horizon lumineux et l’espoir d’une vie nouvelle. Cessons de nous affronter et d’"aiguiser nos épées", au profit d’une reconnaissance et d’un respect mutuels, et d’un dialogue direct.
De ce lieu - promontoire de la falaise qui donne sur l’antique panorama de Tzin Creek, le site choisi par David Ben Gourion pour y reposer aux côtés de son épouse Paula -, l’appel à la paix formulé par l’Etat d’Israël s’entend de manière claire et décisive. Puisse-t-il, cette fois, recevoir un écho et une réponse positive.
Que la mémoire de David et de Paula Ben Gourion soit bénie.
Ehoud Olmert
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Note de la rédaction d’upjf.org [*] Je traduis ainsi l’expression "Greater Israel", mal rendue, à mon avis, par "Grand Israël". Elle renvoie à la promesse divine faite à Abraham, et dont la tradition juive place l’accomplissement aux temps messianiques : "Ce jour-là L’Eternel conclut une alliance avec Abram en ces termes: « A ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d'Egypte jusqu'au Grand Fleuve, le fleuve d'Euphrate... » (Gn 15, 18).