Plutôt que l’Alya, j’ai choisi une forme d’exil intérieur provisoire. Celle-ci consiste à attendre que survienne, chez les tenants de la cause palestinienne, le même désenchantement et réveil douloureux que ceux des hommes de bonne volonté qui avaient cru naguère au communisme, au maoïsme, et au castrisme.

Un pays nommé Propalestine

La Propalestine est au sens premier une utopie, c’est à dire un non-lieu. Ce non lieu a cependant une existence que beaucoup confondent avec un territoire réel, situé quelque part entre le Jourdain et la Méditerranée, qui porte le nom de Palestine, vocable désignant depuis l’Antiquité un espace dont les frontières ont considérablement varié au cours des âges.

La Propalestine est encore peuplée de propalestiniens, des hommes et des femmes de tous pays qui croient sincèrement qu’un peuple, une nation et un territoire sont tels que les leur dépeignent ceux qui pensent qu’il suffit de déclarer être né à Jérusalem pour que cela devienne, si l’on ose dire, vérité d’Evangile.

La Propalestine est aussi réelle aujourd’hui que le furent jadis la Prosoviétie, puis la Prochine ou la Procastrie. Ces non lieux enflammaient les esprits généreux de tous ceux qui, en Occident, rêvaient d’un monde meilleur, plus juste et, surtout aussi éloigné que possible de cette jungle où l’homme est un loup pour l’homme. Ces pays imaginaires, mais auxquels on croyait dur comme fer, furent également des utopies où s’investissaient des rêves réformateurs de l’humanité.

De cette histoire des paradis perdus, personne, et surtout pas les intellectuels, ne semble avoir tiré les leçons d’une histoire au cours de laquelle les esprits les plus brillants se sont laissés abuser, et ont contribué à égarer ceux qui leur faisaient confiance.

Le conflit israélo-arabe a pris peu à peu une dimension majeure sur le « marché » de l’engagement politique et moral des citoyens qui souhaitent faire de leur vie un peu plus qu’une trajectoire individuelle dans un univers de travail, de consommation et de loisirs.

Dans la catégorie des causes dont la défense peut faire de vous un homme (ou une femme) meilleur (e), la solidarité avec le peuple palestinien en lutte contre l’occupation israélienne présente toutes les caractéristiques d’un bon produit. On se trouve du côté des faibles contre les forts, des lanceurs de pierres contre les chars, des pauvres contre les riches, de l’Orient bafoué contre l’Occident arrogant.

La Propalestine qui se limitait avant à certains cercles gauchistes issus de Mai 68 et, de manière encore plus discrète, les milieux du gaullisme arabophile, prend aujourd’hui un essor sans précédent dans l’espace politique, militant et associatif. C’est devenu un point de convergence de parcours individuels ou collectifs où se mêlent chrétiens de gauche, protestants et catholiques, trotskistes antisionistes au nom de leur détestation de toute nation, gaullistes viscéralement anti américains, altermondialistes de toutes obédiences et origines, anticolonialistes privés de cause depuis la victoire de l’ANC en Afrique du Sud, et accessoirement vrais antisémites de facture ancienne ou nouvelle.

Camp David, Taba ou dans l’initiative de Genève, on s’est déjà entendu sur les limites ou contours de ce compromis nécessaire.

Il ne reste plus à faire que l’essentiel : faire admettre à chacun des deux peuples qu’il faut aujourd’hui renoncer à ses rêves pour s’arranger avec la réalité.

C’est pourquoi il nous semble que pour que la Palestine existe un jour, la Propalestine doit disparaître. Son instrumentalisation comme support de militantisme par ceux qui rêvent encore de révolution mondiale, ou qui transfèrent sur cette cause leur mécontentement général quant à l’état du monde, est, dans les faits, un obstacle majeur au surgissement d’un état palestinien parmi les nations libres et démocratiques. La Propalestine sert aux régimes arabes corrompus à détourner la colère de leurs populations frustrées.

La Propalestine française s’éloigne de plus en plus de la Propalestine réelle, celle qui cherche aujourd’hui une issue à l’impasse où l’avaient conduite Arafat et ses amis.

La propalestine est aussi une auberge espagnole inversée, où chacun vient chercher dans l’interminable conflit proche oriental une nouvelle énergie, une sorte de carburant miracle qui remettrait en marche des moteurs idéologiques, politiques ou spirituels quelque peu essoufflés par les bouleversements de la fin du siècle dernier.

Il existe aujourd’hui chez nombre de propalestiniens un fétichisme du keffieh, une mythologie de l’olivier, un romantisme de la kalachnikov qui défient toutes les descriptions objectives, toutes les approches rationnelles d’un lieu ou d’une situation de conflit.

Nombre de films, documentaires et reportages ont un parti pris et un caractère biaisé qui ne sont même plus relevés, tant il parait normal de lire la réalité du Proche Orient avec les seules lunettes propalestiniennes.

Guerre des mots :

Le conflit israélo-palestinien est un affrontement postmoderne : le choc des mots  autant, sinon plus d’importance que celui des armes.

Dans quel autre conflit a t on vu une armée d’occupation laisser libre accès dans les zones qu’elle contrôle à des militants venus apporter leur soutien à l’adversaire ?

La cause palestinienne a un besoin vital de deux types de soutien celui de la « rue arabe » qui mobilise dans les pays musulmans des foules trouvant là un dérivatif à leur frustration,... et celui des opinions publiques occidentales, notamment européennes pour contrer l’alliance stratégique des Etats-Unis avec Israël.

Pour y parvenir, il faut délégitimer moralement l’adversaire, et transformer un conflit ordinaire entre deux projets nationaux se disputant un même espace en un affrontement entre les bons et les méchants.

A vous amis prolestiniens, que dites vous à ce peuple palestinien qui ne reconnaît pas à l’autre la légitimité de sa présence dans la région, et conteste son droit moral et historique à être là où il est ?

On n’éduque pas tout un peuple au rejet d’Israël, de son histoire, de l’existence même de ses racines en Terre Sainte, sans que cela n’ait des conséquences sur les manières dont on va sortir de ce conflit.

Entreprise de diabolisation d’Israël, de son armée, de ses dirigeants, de son peuple durant laquelle est enrôlé le savoir occidental. Ce qui est désolant, ce n’est pas que le mouvement national palestinien utilise ces méthodes : de son point de vue, noircir la réputation de l’ennemie fait partie de l’arsenal de celui qui ne possède ni avions, ni chars. Ce qui est désolant, c’est de voir ces calomnies avalisées par une certaine élite intellectuelle et médiatique occidentale.

Israël n’a pas oublié qu’il est le seul Etat au monde qui doit sa création et sa légitimité internationale à un vote historique de l’Assemblée générale de l’ONU.

Et ce pays a dû faire face dès sa naissance à des forces qui avaient juré sa perte.

Avec le temps et l’expérience, ceux qui sont en charge de la défense d’Israël ont adopté le principe qu’il fallait toujours agir comme si la parole de l’adversaire devait se transformer demain en acte.

L’économie, oui mais !

Est-ce la misère qui a provoqué l’Intifada ou bien, au contraire, n’est ce pas celle-ci qui a eu pour conséquence d’obliger Israël à se passer du travail de dizaines de milliers de palestiniens et à faire appel à une main d’oeuvre venue d’Europe de l’Est ou de Thaïlande ?

L’utopie du « Nouveau Proche Orient » a fait place à la théorie de la séparation, matérialisée par la barrière de sécurité édifiée par Israël dont, il faut le rappeler, le principe a été élaboré par la gauche travailliste écoeurée par la réponse palestinienne à son projet de réconciliation par l’économie.

L’économie palestinienne se voit renvoyée à la problématique générale de la crise du monde arabe et à une situation spécifique qui fait des palestiniens dans et hors des Territoires, les plus gros consommateurs au monde d’aide humanitaire internationale par tête d’habitant. (En 2004 pour la seule UNWRA qui oeuvre depuis 1949, elle s’élève à 70 $ par habitant et par an).

Mettre la misère économique palestinienne sur le compte de l’arrachage par les israéliens de quelques centaines d’oliviers sur le tracé de la ceinture de sécurité, faire le silence, au moins public, sur la corruption généralisée de l’autorité palestinienne de la base au sommet, n’a pas contribué, chers amis propalestiniens, à l’amélioration de la vie quotidienne des familles à Gaza ou de Ramallah dont vous vous souciez si fort, ni à l’ouverture de perspectives pour l’avenir économique de la région.

Déni de réalité :

Dans la cause palestinienne, ce qui plait à Edwy PLENEL, ancien directeur de la rédaction du Monde qui se définit lui-même comme « un trotskiste culturel », c’est son caractère errant, diasporique, déraciné, à l’image d’un Yasser ARAFAT pourchassé de pays en pays.

Dès que la Palestine sera devenue un Etat nation ordinaire, avec son drapeau, son hymne national, son récit patriotique à l’usage des écoliers, on peut être certain que le lyrisme d’Edwy PLENEL se détournera du quotidien banal d’une pays normal pour aller chanter d’autres mouvements plus propres à enflammer son imagination.

Est il supportable d’entendre un José BOVE déclarer tranquillement que les agressions antisémites qui se sont produites en France entre 2000 et 2002 pourraient être « l’œuvre du Mossad » au nom du principe « à qui profite le crime ?».

On trouve parmi les pèlerins d’un nouveau genre, en période de congés scolaires beaucoup des jeunes, et de nombreux retraités actifs le reste de l’année. Ils viennent à Ramallah ou Gaza comme d’autres vont à Lourdes ou Saint Jacques de Compostelle pour trouver une confirmation et un nouvel élan pour leur foi, et non pour vérifier si les toilettes sont propres.

Faut il rappeler le rôle décisif de Léon Blum, juif français assimilé, pour rallier des socialistes français perplexes devant les fondements ethniques et religieux du projet sioniste, lesquels juraient avec les conceptions laïques et universalistes de la SFIO ?

Théorie de la parenthèse :

Perçue par le directeur du Monde, JM COLOMBANI, dans les couloirs mêmes de l’Elysée, cette analyse ne voit dans Israël qu’un phénomène transitoire à l’échelle de la longue durée proche orientale…On voit bien où peut conduire la mise en œuvre diplomatique d’une telle théorie : l’intérêt de la France éternelle est de conclure une alliance à long terme avec un monde arabe promis à tout autant d’éternité et à néglige une toute petite nation dont l’extinction historique est programmée.

Les soutiens catholiques :

Ceux parmi vous qui sont engagés dans le soutien aux palestiniens sont plutôt des « progressistes » en matière de doctrine, plus proche de Mgr GAILLOT que de la Curie romaine.

Ceux d’entre vous qui condamnent Israël au nom de leur foi chrétienne sont les mêmes qui hier s’enthousiasmaient pour le « théologie de la Libération » des évêques et prêtres d’Amérique Latine. Lecteur de Témoignage Chrétien,… le palestinien est pour vous la figure de l’opprimé, du faible soumis à la force brutale.

Vous applaudissez JEAN PAUL II lorsqu’au cours d’un voyage en Terre Sainte, en Mars 2000, il associe la souffrance des Palestiniens à la Passion du Christ.

Savez vous chers amis chrétiens que la seule communauté chrétienne de la région en expansion démographique est celle des arabes israéliens ? Que les chrétiens de Cisjordanie, en moyenne plus éduqués et économiquement plus dynamiques que leurs concitoyens musulmans, émigrent en masse au Etats-Unis, au Canada ou en Amérique Latine ?

Bethléem, cette ville fût autrefois le centre spirituel et économique de la chrétienté palestinienne qui y était largement majoritaire. Aujourd’hui la ville de naissance du Christ compte plus de 80 % de musulmans.

Aux fervents soutiens de certains juifs :

A ceux qui excipent de leurs origines juives, voire des membres de leur famille disparus dans les camps nazis, pour donner un poids plus important à leur condamnation d’Israël, je dis : ironie, encore une fois, de l’Histoire, c’est l’existence et l’action d’Israël qui vous maintiennent dans un rapport d’hostilité, certes, mais un rapport tout de même, avec vos origines.

Interpellation finale :

Et si la majorité des Palestiniens était aujourd’hui persuadée qu’il est pour eux plus important de détruire l’Etat juif que de construire leur propre Etat ?