Guy Millière
Pendant la mascarade, le travail de sape continue. La trêve se poursuit dans les « territoires palestiniens », les accords de La Mecque sont « respectés », un nouveau « gouvernement palestinien » est en place. Une majorité de postes pour le Hamas, quelques uns pour le Fatah. Dans un numéro de duettistes bien réglé, Mahmoud Abbas affirme qu’il « rejette toute forme de violence » tandis qu’en parallèle, Ismaël Haniyeh déclare que « la résistance est un droit légitime ». Ce qu’il appelle « résistance » est ce que partout ailleurs dans le monde on appelle « terrorisme », mais il ne faut pas compter sur l’immense majorité des journalistes des grands médias pour expliquer cela, surtout en Europe, où les intimidations venant des tenants de l’islam radical gagnent peu à peu du terrain, avec la complicité d’une gauche pas du tout antisémite mais très « antisioniste » et d’une droite nationaliste et populiste, qui sait que l’ « antisionisme » est le masque acceptable de l’antisémitisme aujourd’hui.
En parallèle aux déclarations du duo Abbas-Haniyeh, les titres de la presse sont, de fait, explicites. « Israël ferme la porte au nouveau gouvernement palestinien », note Le Figaro (ce n’est pas le gouvernement palestinien qui, par son radicalisme négationniste, se ferme la porte à lui-même, bien sûr !). « Le Parlement palestinien se réunit pour introniser le gouvernement d’union nationale », affiche Le Monde. Et c’est vrai que l’union nationale saute aux yeux des observateurs et que le Parlement en question est exemplairement démocratique, tout comme les programmes de la radio et de la télévision palestinienne où chacun sait qu’on appelle chaque jour à la paix, à la liberté individuelle et à l’esprit d’entreprise.
La Commission des droits de l’homme de l’ONU ayant pris, au fil des ans, les atours d’une imposture raciste aux obsessions anti-israéliennes frénétiques, elle a été remplacée voici quelques mois par un Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Mais il devient très vite évident qu’on n’a fait que remplacer une instance discréditée par une autre, qui fait déjà tout pour se compromettre elle aussi. John Dugard devrait être nommé très bientôt observateur permanent des actions israéliennes dans les territoires occupés. Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la « situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », Dugard a déjà un avis très tranché sur la question. Dans son rapport paru en février 2007 sur les « territoires » en question, on peut y lire, entre autres, que : « La communauté internationale a identifié trois types de régimes incompatibles avec le respect des droits de l’homme : le colonialisme, l’apartheid et l’occupation par des forces étrangères. Israël est clairement une force d’occupation militaire des territoires palestiniens occupés.
Des éléments de cette occupation constituent des formes de colonialisme et d’apartheid ». Ne cherchez pas trace en son texte de mention de « groupes terroristes palestiniens », d’ « incitations palestiniennes au meurtre et au génocide », de nécessité pour un Etat en situation d’agressé de se défendre, il n’y en a pas. Ne cherchez pas de « violations des droits de l’homme par l’Autorité Palestinienne », il n’y en a pas non plus. Quand aux territoires occupés, ils sont définis selon les frontières d’avant la guerre de 1967, évidemment. Dugard est, en somme, un observateur impartial comme on les aime du côté de chez Villepin, Le Pen ou Besancenot, mais aussi à l’AFP, et sur les campus très « politiquement corrects » aux Etats-Unis.
Rien de tel, pour éloigner de soi les miasmes nauséabonds qui émanent de tout cela et pour se donner les moyens de répondre à tous ceux qui se font les porte-voix de ces émanations, que de faire de saines lectures. Paul Giniewski, déjà auteur de plusieurs livres indispensables, dont « Antisionisme : le nouvel antisémitisme », et « La guerre des hommes-bombes » (à lire de toute urgence !), vient de publier « Le contentieux israélo-arabe » [1]. Le titre, à mes yeux, est trop doux ; je parlerais, moi, pour appeler vraiment les choses par leur nom, de La guerre arabe contre Israël. Mais il s’agit, pour Giniewski, de présenter un dossier précis, argumenté, imparable et il le fait très bien. Il insiste tout particulièrement sur trois points : les « territoires contestés », expression qui vient d’un ancien texte de l’ONU, les « réfugiés arabes », et le « refus de l’existence d’Israël » par le monde arabo-islamique.
En ce qui concerne les « territoires », Giniewski montre que « même un refus d’Israël de ne céder aux Palestiniens aucun territoire serait moralement fondé ». Puis : « La victime est-elle tenue de récompenser son ennemi en lui abandonnant les fruits d’une victoire acquise au cours d’une guerre défensive ?… Rien ne le commande en droit international ». Giniewski rappelle, en supplément, que le monde occidental, mais aussi le monde arabe, ont reconnu autrefois la légitimité d’Israël et ont été philosionistes, et il explique pourquoi le monde arabe, si son objectif était la paix et la prospérité, aurait tout intérêt à renouer avec cette doctrine.
Pour la question des « réfugiés arabes », il souligne que « juifs et arabes auraient pu coexister en paix », que ce sont essentiellement les autorités arabes de l’époque qui ont incité les populations arabes à fuir, que « ceux qu’on appelle aujourd’hui les « Palestiniens » et qu’on veut faire passer pour les autochtones uniques ou véritables du pays, sont souvent les descendants d’immigrés aussi récents, parfois plus récents, que les juifs ». Il affirme que la « palestinité » est « récente ». Il évoque la « réticence des musulmans à vivre sous une autorité non musulmane » – ce qui est, historiquement, très vérifiable –, et ajoute que ce qui est survenu à l’époque de l’indépendance d’Israël a été un « échange de populations », puisqu’à l’exode arabe (provoqué par les chefs politiques arabes) a correspondu l’exode forcé de l’essentiel des Juifs du monde arabe. Les réfugiés juifs sont devenus citoyens d’Israël tandis que les réfugiés arabes ont été installés dans un statut de réfugiés permanents qui, cas unique, se transmet des parents aux enfants, voire à la famille par alliance. Giniewski ajoute ceci : « Un exode volontaire n’ouvre aucun droit au retour des exilés… Si en cours d’agression, un agresseur s’est infligé des dégâts : exils, perte de territoire, pertes de la face et humiliations qu’il supporte mal, ce n’est pas à la victime qu’il incombe de réparer les dommages ». Et plus loin : « Si les Palestiniens et les Etats arabes choisissent la perpétuation du problème, celui-ci continuera à nourrir de futurs affrontements qui se règleront par la pure force ».
Pour ce qui est du « refus de l’existence d’Israël », Giniewski ne mâche pas ses mots : « détruire Israël a été, à tous les stades du conflit, l’objectif invarié de ses ennemis ». Il en était ainsi dès les années 1920, dès la montée en puissance du grand mufti qui, avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne a disposé de « fonds secrets nazis » avant de contribuer plus tard à ce que Giniewski appelle « la shoah germano-palestinienne ». De fait, « sur le théâtre d’opérations européen, la participation directe du mufti à l’extermination des juifs est établie par des documents irréfutables ». Les stratégies, les tactiques, les subterfuges ont ensuite fluctué. Glissement du nazisme au nationalisme arabe (très teinté de national-socialisme), puis aux liens avec le totalitarisme soviétique, affinités de plus en plus nettes ensuite avec l’islamisme le plus violent et le plus fanatique.
Abbas est de la vieille école formée à la soviétique : c’est un exterminateur adepte du double discours et des fausses promesses de paix. Hanyeh appartient, lui, à la nouvelle école, celle de l’islam radical franchement génocidaire. Si le monde civilisé restait vigilant, fermement attaché à ses valeurs, on y verrait la mascarade dont je parlais au début de cet article, on la dénoncerait, on ne laisserait pas le travail de sape continuer. On ne participerait pas à ce travail. On verrait que le problème au Proche-Orient n’est pas l’existence d’Israël, les « territoires », les « réfugiés », mais l’existence d’un totalitarisme islamiste qui n’acceptera jamais l’existence d’Israël, qui persécute les chrétiens dans les « territoires », enferme les populations arabes dans un mélange de misère et d’obscurantisme, et menace la paix globale du monde.
L’une des dimensions les plus dangereuses de ce totalitarisme est que, par la façon dont il parvient à disséminer planétairement une grande intoxication mentale et une haine d’Israël, il affaiblit partout les forces de la liberté et se trouve des alliés chez tous les ennemis de cette liberté.
Les antisionistes, les antisémites, les gauchistes, les fascistes forment ainsi un conglomérat avec les « ennemis avoués d’Israël », et ceux-ci « représentent un péril majeur pour l’humanité », conclut Giniewski. « A Paris, on peut bagatelliser la menace comme on la bagatellisait en 1933. A cette époque aussi, des juifs et des non juifs croyaient que ce qui arrivait aux juifs d’Allemagne et d’Autriche ne pourrait jamais se produire chez eux ». A cette époque, il y avait des hommes tels que Raymond Barre, – qui faisait, voici peu, la distinction entre Juifs et Français innocents –, et pas plus hier qu’aujourd’hui, ils ne suscitent l’indignation. A cette époque, il y avait, comme aujourd’hui, des Juifs très à gauche prêts à développer l’aveuglement face au danger et à accuser d’autres Juifs de paranoïa, il y avait des non juifs considérant que ce qui arrivait aux Juifs ne les concernait pas.
Il y avait déjà des mascarades, l’une des plus réussies a eu lieu à Munich juste avant la guerre. Il y avait déjà un travail de sape et une volonté de réduire au silence ceux qui s’alarmaient et qui, on l’a vu assez vite, avaient peut-être quelques raisons légitimes de s’inquiéter.
Note :
[1] Paul Giniewski, Le contentieux israélo-arabe, Cheminements, 2007, 204 p., 12